[Vidéo] Retraites : comment sortir du blocage ?

[Vidéo] Retraites : comment sortir du blocage ?

17.12.2019

Représentants du personnel

Nous avons demandé mardi 17 décembre aux manifestants et responsables syndicaux présents dans la manifestation parisienne ce qu'ils revendiquaient et quelle sortie de crise leur paraissait possible dans le conflit social sur la réforme des retraites. Voici leurs réponses.

 

 

Une sorte de corridor sanitaire, qui a recueilli quelques pétards provocateurs, a séparé hier, sur la place de la République à Paris, les troupes des syndicats dits réformistes (CFDT, CFTC, UNSA), des autres syndicats (CGT, SUD, FO, FSU, CFE-CGC) ayant appelé les salariés à faire grève et à manifester pour les retraites, ces derniers étant de loin les plus nombreux. C'est que les objectifs des confédérations ne sont pas les mêmes. D'un côté, CFTC, CFDT et UNSA ne réclament pas le retrait de la réforme, Laurent Berger l'a déjà dit et l'a répété hier (en évoquant aussi la piste d'une augmentation des cotisations, ce dont le patronat ne veut pas), tout comme le nouveau président de la CFTC, Cyril Chabanier, qui s'exprime à la fin de notre vidéo pour critiquer l'âge pivot, le manque de prise en compte de la pénibilité mais pour se féliciter aussi des progrès sur les droits familiaux et les pensions de reversion.

Une pression de la base et des actions prévues jusqu'à la fin de l'année

Mais poussés par leur base, les représentants du personnel des régimes spéciaux réclament, eux, ce retrait, tous syndicats confondus. Ils n'entendent pas se contenter d'un "simple retrait" de l'âge pivot, comme nous l'ont dit, par exemple, la secrétaire adjointe UNSA de la RATP ou la secrétaire du CSE de SNCF Réseau, élue CFDT (voir notre vidéo). Ces militants entendent "tenir jusqu'au bout". Une pancarte brandie par un manifestant proclamait du reste : "Noël, on s'en fout !"

Les manifestants FO et CGT, eux, sont, à l'image de ce représentant syndical au CSE de Ricoh, sur la même ligne que leur confédération, celle d'un retrait pur et simple de la réforme. Du reste, l'intersyndicale CGT, FO, CFE-CGC, FSU et SUD, tenue dans la soirée, a appelé "à organiser des actions de grève et de manifestation partout où c'est possible, notamment le 19 décembre par des mobilisations locales et ce, jusqu'à la fin de l'année". Sans annonce de retrait, prévient ce communiqué, "il n'y aura pas de trève" et des actions se poursuivront en janvier.

Dans un cortège où les trouvailles et facéties ironiques ont abondé ("poudre de perlim-points-points", "on veut un salaire décent, pas une retraite qui descend"), les manifestants ont exprimé cette angoisse d'un système à points perçu comme naturellement défavorable : en passant des 6 derniers mois (pour les fonctionnaires) ou des 25 meilleures années (pour le privé) de référence à des points collectés tout au long d'une carrière, ces agents (les enseignants étaient hier très nombreux) et ces salariés redoutent d'y perdre largement.

Nouvelles concertations

Face à ces exigences de retrait, qu'exprime aussi dans notre vidéo Gérard Mardiné, le secrétaire général de la CFE-CGC, que peut faire le gouvernement ? Maintenir sa réforme telle quelle et passer en force au risque de gâcher les fêtes si la grève dure ? Lâcher du lest sur les mesures paramétriques en négociant un assouplissement de l'âge pivot voire le retrait de cette mesure, ce qui pourrait provoquer la division du front syndical ? Accorder un régime transitoire encore plus favorable pour les régimes spéciaux, de façon à négocier une sortie de crise en traitant prioritairement les transports ? Reporter la réforme ? Voire l'abandonner ?

On en saura sans doute plus dans les prochains jours, sachant que les autres questions sur la table (gouvernance, par exemple, voir notre encadré ci-dessous) sont tout aussi importantes.. Ce mercredi 18 décembre, le Premier ministre reçoit les partenaires sociaux en bilatérales, les rendez-vous débutant à 14h avec Laurent Escure (UNSA) pour se terminer à 20h40 par François Hommeril (CFE-CGC). Jeudi après-midi est prévue une réunion multilatérale, le Premier ministre ayant prévu dans son agenda de recevoir à 19h les PDG de la RATP et de la SNCF. Jusqu'à présent, le gouvernement, qui paraît affaibli par la démission de son Haut commissaire aux retraites, n'a guère été enclin à transiger avec les organisations syndicales, que ce soit pour les ordonnances réformant le code du travail ou pour l'assurance chômage. En ira-t-il différemment cette fois, pour une crise sociale qui survient un an après celle des gilets jaunes ? A suivre...

 

L'âge pivot : 4 mois de plus par an à compter de 2022 jusqu'en 2027

Le dossier de presse que Matignon a diffusé à l'issue du discours du Premier ministre au CESE précise le mécanisme envisagé au sujet de "l'âge d'équilibre", dit âge pivot. IL s'agit en fait d'une borne d'âge en deçà de laquelle un salarié ne pourra pas prétendre à une retraite à taux plein.

En l'absence de décision des partenaires sociaux qui cogéreront, avec l'Etat, le futur régime, "la loi fixera à compter du 1er janvier 2022 un âge d'équilibre à 62 ans et 4 mois, qui augmentera ensuite de 4 mois par an pour rejoindre progressivement l'âge d'équilibre du futur système, soit 64 ans en 2027". 

A quoi sert cet âge d'équilibre qui n'est pas l'âge légal de départ à la retraite, qui restera fixé à 62 ans ? A inciter les Français à travailler plus longtemps. Si le salarié part avant 62 ans en 2022, puis 64 ans en 2027, il se verra appliquer un malus de 5%. Si on contraire il part au-delà de cet âge, il bénéficiera d'un bonus de 5%. "Le dispositif carrières longues sera maintenu pour permettre à ceux qui ont validé 5 trimestres avant 20 ans, de partir 2 ans plus tôt", indique le dossier de presse. 

► Tous les syndicats sont hostiles à un tel âge d'équilibre.

La pénibilité : étendue aux fonctionnaires 
Concernant la pénibilité, le Premier ministre a promis d'étendre le dispositif actuel aux fonctionnaires et aux salariés des régimes spéciaux, soit 250 000 personnes qui bénéficiaieraient de points dans le C2P (compte de prévention professionnel). "Les seuils relatifs au travail de nuit seront abaissés", promet encore le gouvernement. En outre, "Il n'y aura plus de limite à l'acquisition de points pour faire du temps partiel ou de la formation", explique Matignon dans le dossier de presse, précisant que ceux qui exercent toute leur carrière avec l'exposition à un critère auront + 60 % de droits, et + 320 % de droits pour "les carrières complètes de salariés exposés à plusieurs critères". Ainsi, les travailleurs exposés pourraient avoir en fin de carrière "de plus de 3 années à mi-temps payé temps plein".

En revanche, le gouvernement n'envisage pas pour l'heure de réintégrer les 4 facteurs de pénibilité supprimés en 2017 au motif que leur mesure était trop compliquée (manutention de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques, exposition aux agents chimiques dangereux).

► Les syndicats réclament une meilleure prise en compte de la pénibilité.

La gouvernance : le Parlement votera la trajectoire

Comment sera géré le système "uniersel" qui regroupera les 42 régimes existants ? Le gouvernement prévoit l'instauration d'une "règle d'or" obligeant le système à être à l'équilibre par période de 5 ans. C'est lors de l'examen du projet de budget de la sécurité sociale (PLFSS) que sera décliné chaque année "la trajectoire financière du système de retraite". La loi interdira toute baisse de la valeur du point, sachant que c'est un conseil d'administration paritaire (représentants des employeurs et des salariés) qui fixera chaque année "les paramètres du système universel".  

►Les syndicats, mais aussi une partie du patronat, se méfient de cette construction. Ils redoutent de n'être pas réellement indépendants dans la gestion du système, car les objectifs seront fixés par la puissance publique via le vote du Parlement. L'épisode récent de l'assurance chômage, où l'Etat a totalement pris la main et imposé ses mesures d'économies, n'est pas là pour les rassurer.

 

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Bernard Domergue
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